Existant depuis toujours, le bois colonisé par des champignons est longtemps resté dans les parties non visibles des bâtiments, lorsqu’il n’était pas tout simplement gaspillé. Mais alors que nos forêts suisses sont de plus en plus sensibles à ce phénomène, une poignée d’architectes et de professionnels démontrent qu’il est, non seulement possible d’utiliser ce « bois bleu » en structure, mais aussi comme parement esthétique. Il amène alors le charme d’un matériau authentique qui porte les traces de son histoire.
Tout est parti d’un constat: avec le réchauffement climatique, les arbres de nos forêts sont de plus en plus sensibles à l’attaque des insectes scolytes qui creusent des galeries sous l’écorce et inoculent des champignons induisant un changement de couleur (phénomène de bleuissement). Les chiffres constatés par les forestiers sont inquiétants. Après une hausse en 2022, l’augmentation du nombre de foyers d’infestation a été de 14 % en 2023 par rapport à l’année précédente. Une évolution qui a particulièrement touché les cantons de Neuchâtel, Soleure et Vaud.
Or, il y a urgence à récolter rapidement les arbres contaminés pour freiner la propagation du phénomène sur les arbres affaiblis voisins. La question qui s’impose donc aujourd’hui est de trouver des débouchés à la récolte des arbres contaminés dont les volumes augmentent. D’autant que le phénomène concerne spécifiquement l’épicéa qui est l’essence la plus utilisée en Suisse pour la construction.
L’association suisse Wood Bee plaide ainsi pour une revalorisation du bois bleu dans l’optique d’optimiser nos ressources dans un contexte climatique changeant. Il est essentiel de transformer ces bois « dans les meilleures conditions commerciales possibles, en conservant l’essentiel de leur valeur »
En structure
En réalité, les scolytes n’endommagent que la partie périphérique de l’arbre n’entrainant pas (selon la sévérité d’attaque ) la perte des propriétés mécaniques du bois. En effet, les champignons de bleuissement sont incapables de métaboliser les composants structurels du bois que sont la cellulose, les hémicelluloses et la lignine. Ils n’ont en conséquence aucune incidence sur la masse volumique du matériau, ni sur ses propriétés mécaniques: l’élasticité et la résistance à la rupture d’un bois bleui sont comparables à celles d’un bois sain. « Les tests réalisés en laboratoires ou directement sur chantiers ont démontré que ces bois étaient aptes à une utilisation en structure, dans des conditions comparables à des bois « sains » » complète-t-on chez Wood Bee.
Un projet pilote comme les futurs gymnases d’Aigle et d’Échallens dessinés par le bureau d’architectes Giorgis Rodriguez avec du bois indigène scolyté démontre, par ailleurs, l’engagement du canton de Vaud en faveur de la standardisation de l’utilisation du bois bleu.
Comme parement esthétique
L’association Wood Bee ajoute que les altérations de couleur peuvent aussi faire l’objet d’une revalorisation esthétique. Le bleuissement du bois peut présenter un intérêt pour les designers et les architectes qui auraient une autre approche et porteraient un regard nouveau sur ces nuances finalement tout à fait uniques. Au chapitre des professionnels qui vont déjà dans cette direction, on peut citer le fabriquant de lit de luxe Elite qui a d’ores et déjà réalisé un prototype de lit en bois bleu.
Si l’utilisation du bois bleu s’annonce comme une future tendance dans l’architecture, les utilisateurs demeurent encore parfois réfractaires à l’utilisation de cette ressource, par manque d’information et pour des raisons d’habitude dans les goûts esthétiques.
Pour des informations sur le bois bleu, woodbee.ch
