Audemars Piguet maître d’ouvrage

Connue pour son esprit avant-gardiste en matière de montres, la maison Audemars Piguet aspire aussi à bâtir une architecture non conforme, ouvrant le champ des possibles. En tant que maître d’ouvrage, cette entreprise horlogère suisse initie des projets métaphoriques en parfaite osmose avec le paysage. Ceci, dans des territoires ruraux plutôt reculés. Trois projets.

1. La Manufacture Audemars Piguet 

Ce centre de production a été construit pour créer un  pôle complémentaire au site historique d’Audemars Piguet à Brassus. Il s’éloigne du schéma classique du bâtiment industriel:

• Une architecture dont il n’est pas possible de définir une image figée: les architectes ont voulu un bâtiment sans forme, sans représentation, sujet à une (ré)interprétation perpétuelle. De façon centripète, chaque secteur s’élance vers le paysage dans une direction spécifique donnant ses lignes dynamiques au bâtiment.

Une architecture qui se fond dans le paysage: depuis l’extérieur, les abords du bâtiment sont aménagés avec un jardin conçu comme une suite de biotopes naturels locaux qui favorisent une biodiversité riche autour du bâtiment. Sous les éléments surélevés en porte-à-faux, des plafonds en inox reflètent et déforment le paysage lointain et le jardin naturel selon la position du visiteur, provoquant une immersion dans la géographie de la région. Ce dispositif crée des façades à vivre qui n’ont pas uniquement vocation à séparer l’intérieur de l’extérieur.

Une architecture adaptée à des besoins différenciés en matière de luminosité. L’apport et la qualité de la lumière naturelle sont réglés par divers dispositifs architecturaux C’est par exemple le cas de la forme articulée du plan qui favorise différents accès à la lumière naturelle sur un petit périmètre ou encore de la toiture triangulée qui permet de faire pénétrer la lumière en profondeur. Les secteurs bénéficient ainsi d’apports de lumière différenciés selon leurs besoins. Les ateliers d’assemblage et de décoration se situent au nord pour avoir une lumière indirecte et sans ombre. L’administration, la cafétéria et le secteur de recherche et développement bénéficient de la lumière dynamique du sud. La fabrication et l’usinage sont quant à eux orientés à l’ouest, cherchant une lumière directe et changeante.

Une architecture médiatrice: non seulement le bâtiment prévoit de s’adapter aux mutations industrielles à venir mais il est aussi l’instigateur de certaines de ces mutations, à l’instar de l’intégration d’espaces sociaux ayant vocation à la création d’une communauté. Ainsi, au centre du dispositif se trouve un grand espace de rencontre, la Piazza. Cet espace de 900 m2 naît du besoin de relier les différents secteurs jusqu’à présent indépendants et hermétiques. La Piazza s’est ainsi formalisée au milieu des flux, au cœur du dispositif. Elle constitue à la fois le couloir de service entre les secteurs et un espace favorisant les échanges informels et la créativité, faisant d’elle un espace de référence pour l’ensemble des usagers,employés et visiteurs.

2. Le Musée Atelier

Le Musée Atelier Audemars Piguet réunit la Maison des Fondateurs – bâtisse historique où Jules Louis Audemars et Edward Auguste Piguet établirent leur premier atelier en 1875 – à une spirale de verre futuriste émergeant du sol. La spirale devient sert d’espace principal d’exposition.

• Une architecture intégrée à l’environnement: Au lieu de se poser sur le paysage, le musée et l’hôtel ont été dessinés pour faire partie du paysage, comme une extension de celui-ci. Les sols reprennent les pentes naturelles du terrain et les gabarits sont travaillés pour minimiser l’impact visuel. La végétation sur le toit contribue à créer cette impression de fusion avec la nature.

Une architecture évoquant le design d’une montre: au niveau de la spirale, le sol suit la pente naturelle du terrain et propose une expérience spatiale linéaire et continue. Les parois de verre incurvées convergent dans le sens des aiguilles d’une montre vers le centre de la spirale, l’idée originale étant de reproduire le mouvement d’un ressort spiral de montre. Des lamelles en laiton, soudées, encerclent la façade et filtrent la lumière tout en conservant la vue sur le paysage. Leur profondeur varie en fonction des orientations. Deux ateliers traditionnels, «Grandes complications» et «Métiers d’art», qui nécessitent un environnement de travail particulièrement exigeant, prennent place au centre de la spirale.

Une prouesse d’ingénierie et de design. Il s’agit d’une première mondiale à cette altitude. La toiture métallique est entièrement portée par les murs de verres incurvés, composés de 3 à 7 couches de vitrage porteur «float» qui limitent les distorsions du verre. Bien que très simple en apparence, la construction a dû faire face à de nombreux défis techniques, de la gestion du chantier à l’installation très précise des panneaux de verre, et à l’écoulement des eaux depuis le centre de la spirale, point le plus bas de la toiture.

3. L’Hôtel des Horlogers

Situé à l’emplacement de l’ancien Hôtel de France construit en 1857, l’Hôtel des Horlogers souhaite rester authentique et humble face à l’histoire du lieu. Visant à accueillir les passionnés de montres et de la nature et à faire rayonner le savoir-faire local, il se définit comme un boutique-hôtel 4 étoiles supérieur et comprend 50 chambres dont 12 suites:

• Une forme architecturale inspirée par la vallée de Joux et la forêt du Risoud. Au lieu de la typologie générique d’un bâtiment aux étages empilés, la forme suit la topographie de la vallée. Ainsi, un ingénieux système de dalles en béton disposées en zigzags se déploie en douceur le long du site. Avec une façade en lame de mélèze de la région, la construction semble ainsi être un morceau de terre étiré.

Une décoration intérieure inspirée par la nature. L’agence d’architecture AUM fait entrer le Jura suisse dans le bâtiment, aussi bien la pierre que les arbres et la végétation. Un important travail sur les luminaires a notamment été réalisé. Certains reprennent la forme de champignons, d’autres celle de feuilles se trouvant dans la forêt du Risoud, d’autres encore celle d’un profil topographique inversé de lac.

Le profil de la Dent de Vaulion se retrouve quant à lui au bar, avec un mur en cordes nouées et, en version imprimée, sur les armoires  des chambres. À l’entrée, le meuble de réception reprend la forme d’une ammonite déployée; au plafond, des éléments en bois peuvent être interprétés comme des racines sous la terre ou comme des arbres à l’envers. La décoration intérieure joue ainsi sur des références naturelles détournées, créant un rapport onirique avec celles-ci et brouillant la frontière entre le construit et le naturel.